Covid-19. Un jeune sur trois est reparti vivre chez ses parents

De nombreux jeunes sont retournés s’installer dans leur famille depuis le début de la crise sanitaire. Une situation vécue plus ou moins facilement selon les relations des uns et des autres. Témoignages.

Lucile, étudiante de 22 ans, ici avec sa mère, a choisi de retourner vivre chez ses parents dès le début du premier confinement. LP/Sarah Alcalay
Lucile, étudiante de 22 ans, ici avec sa mère, a choisi de retourner vivre chez ses parents dès le début du premier confinement. LP/Sarah Alcalay

    Quand elle sent la tension monter, Lucile s'isole dans sa chambre. Une pièce qu'elle a redécorée ces derniers mois à son goût, en rose. « Un peu girly, avec des signes astrologiques », décrit-elle. Cette chambre est son antre, sa solution de repli. « C'est le seul endroit où je me sens bien quand je sais que je vais m'énerver », confie l'étudiante en master de relations interculturelles à la fac de Lille.

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    A 22 ans, comme des centaines de jeunes de son âge, la jeune femme est retournée vivre chez ses parents il y a un an. Selon l'enquête de l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), l'épidémie de Covid-19 a modifié le mode de logement des étudiants. 44 % déclarent avoir déménagé dès le début de la crise sanitaire du logement qu'ils occupaient d'habitude. Parmi eux, la plupart souhaitaient se « rapprocher de leur famille », note l'étude.

    « De nombreux jeunes sont repartis en famille pour compenser la solitude, quitter des conditions de logement déplorables ou les deux à la fois », souligne Joanie Cayouette-Remblière, sociologue à l'Ined (Institut nationale d'études démographiques). Seulement voilà. Au troisième confinement, ce provisoire a fini par s'éterniser et 34 % de ces jeunes rapportent que des « difficultés d'ordre relationnel » ont émergé.

    De nombreuses tensions parents-enfants

    Pour Lucile, que le Covid a surprise début 2020 en pleine année sabbatique en Espagne, le retour en famille à Givenchy-lès-la-Bassée, dans le Pas-de-Calais, a été brutal. « Quand je suis rentrée, je vivais à l'heure espagnole, je déjeunais à 15 heures. Mes parents ne comprenaient pas. Ils disaient : On n'est pas à l'hôtel, ici ». Depuis, elle « s'embrouille beaucoup », avec sa mère, regrette-t-elle. « Pour elle comme pour nous, la période a été un peu compliquée, reconnaît sa mère Sandrine, aide-soignante. J'ai essayé de ne pas lui imposer trop de règles mais elle avait beaucoup changé, en Espagne ! J'ai parfois manqué de diplomatie. »

    Les tensions entre parents et enfants rentrés au bercail ont été légion, ces derniers mois. « Un tiers de mes étudiants sont rentrés chez leurs parents, souvent pour des raisons financières, rapporte Gladys Mondière, psychologue et professeure à l'université de Lille-3. Certains jeunes se retrouvent coupés de tout, en milieu rural, avec des problèmes de connexion. » Dans son cabinet de psy, ces jeunes adultes se sont épanchés, déclarant pour la plupart souffrir de cette situation. « L'une de mes patientes m'a rapporté que sa mère lui avait jeté à la figure, à son retour : Efface-toi! C'est très violent, comme expression », rapporte la psychologue.

    «Le soir, ça fait bizarre»

    Pour Lila (le prénom a été changé), étudiante en psychologie à Lille, ce sont les soirées qui sont parfois vécues en décalage. « Le soir, ça fait bizarre. Quand on est étudiant, on voit du monde, on sort. Mes parents, eux, ils mangent à 19 heures et après, ils jouent au Scrabble. Moi, je continue à regarder mes séries Netflix sur mon ordinateur. Ces soirs-là, je me sens très différente d'eux », admet la jeune femme de 23 ans, benjamine d'une fratrie de sept enfants. Lila a perdu son job étudiant en mars 2020 et a dû quitter son petit appartement l'été dernier.

    Pour sa mère aussi, le retour de cette « petite dernière » a changé la donne. « Il faut faire à nouveau à manger pour trois personnes, cadrer l'heure des repas, partager la salle de bains, c'est la vie en communauté, il faut s'adapter ! » admet, du bout des lèvres, Adeline, 69 ans, tout en avouant apprécier également le retour de moments familiaux partagés. « On va au marché ensemble, on fait des virées shopping, ce sont de nouvelles relations qui se créent », se réjouit la maman. Toujours selon l'enquête de l'OVE, ce sont les femmes, en majorité, qui ont rapporté des tensions avec leurs parents.

    «Mes parents, c'est comme des potes»

    Sylvain (le prénom a été changé), 34 ans, n'a, lui, pas vécu la période comme un sacerdoce, bien au contraire. « Mes parents, c'est comme des potes. Je suis le petit dernier et je sais que ça va ressembler à la caricature facile, mais j'ai toujours eu d'excellents rapports avec eux », assure ce salarié dans l'informatique. Locataire d'un deux-pièces à Paris (XVIIIe), Sylvain a plié bagage dès qu'il a vu, en mars 2020, « Emmanuel Macron à la télé ». « Je ne me sentais pas de rester entre mes quatre murs à Paris ». Le jeune Parisien a même été jusqu'à demander à son chef de passer en 100 % télétravail ces derniers mois afin de pouvoir plus facilement travailler de la grande maison familiale des Yvelines.

    « Il a débarqué avec sa valise, un beau matin. J'étais ravie, se rappelle Françoise, sa mère. Sylvain n'est pas du tout une charge, il bricole beaucoup, il s'intéresse à tout, on parle de tout un tas de sujets en permanence. Il a même profité de la période pour installer une chambre au rez-de-chaussée pour son père qui est très malade. » Si les premières semaines ont été délicates, c'est davantage pour des raisons sanitaires que relationnelles. « Je suis une mère poule, moi, j'ai toujours embrassé mon fils. Là, ça fait un an que je ne l'ai pas serré dans mes bras », déplore Françoise.

    «Quand il va repartir, ça va me faire un pincement»

    Puis l'été est arrivé. Le grand jardin, la piscine ont été agréables pour tout le monde. « Sa copine l'a rejoint. Elle travaillait dehors et lui, le pauvre, il prenait des coups de soleil », raconte, attendrie, la maman qui appréhende presque le retour à la vie normale. Car les jours de cette bulle familiale sont comptés, elle le sait bien. « Quand il va devoir repartir, j'y pense souvent, ça va me faire un pincement », avoue-t-elle. Sylvain a si bien pris ses aises dans la maison familiale qu'il a mis son appartement parisien à louer sur Airbnb.

    Dans le Nord, Lucile, elle, va repartir en Espagne en stage pour la fin de l'année universitaire. Elle se sent soulagée : « Etre loin les uns des autres, cela va améliorer nos relations ». Sa mère opine : « Je sais déjà qu'elle va me manquer. Quand je l'accompagnerai à l'aéroport, je verserai ma petite larme, comme d'habitude. »

    Par Bérangère Lepetit

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