Covid-19 & Universités. « Un an après, il est temps de tirer les leçons de la crise.»

Tribune de Louis Vogel, Membre de l’Institut, Ancien Président de la Conférence des Présidents d’Université

Louis Vogel
Louis Vogel

    Le 17 mars 2020, la France mettait en place un premier confinement en réponse à la pandémie de COVID-19, début d'une période hors norme pour les étudiants et les universités : décrochage, détresse psychologique et anxiété, précarité généralisée sont aujourd’hui l’apanage de millions d’étudiants privés de leurs petits jobs, isolés dans leurs résidences universitaires. Un an après, il est temps de tirer les leçons de la crise.

    Les étudiants sont touchés très durement, dans leurs ressources, leurs études et leur vie personnelle, par l'année écoulée.

    Détresse économique

    d'abord, qui frappe en particulier tous les étudiants qui dépendent de leur « job étudiant » pour subvenir à leurs besoins pendant leurs études. Selon l’Observatoire de la Vie Étudiante (OVE), 1 étudiant sur 3 qui travaillait a perdu son « job étudiant » entraînant en moyenne une perte de revenus de 274€ par mois et 56% des jeunes ayant des difficultés financières affirment ne plus pouvoir se nourrir suffisamment. La crise sanitaire, dans ce domaine comme ailleurs, accentue des inégalités sociales de manière inacceptable.

    Risque de décrochage et de dévalorisation des diplômes

    , ensuite, du fait de conditions d’enseignement dégradées. Selon une étude, 72% des étudiants craignent que leur diplôme ait moins de valeur à l’issue de cette crise (Odoxa). Avant la crise, 64% des étudiants étaient « globalement satisfaits de leurs études actuelles ». Selon l’OVE, ce chiffre est tombé à 39% après le premier confinement. Il s’est certainement aggravé depuis.

    Détresse psychologique

    enfin, dont on a trop tardé à prendre la mesure : bien avant la pandémie de COVID-19, les signaux concernant la santé psychologique des étudiants étaient déjà préoccupants, avec une montée progressive des signes de mal-être et d'anxiété. Mais la pandémie a précipité la situation dans des proportions alarmantes. Toujours selon l’OVE, c’est près d’un tiers des étudiants qui présente de tels signes de détresse psychologique. La mise en place de « chèques psy » qui donnent droit à trois consultations auprès de spécialistes n’est pas à la hauteur de l’enjeu. C’est d’un véritable plan de recrutement dont les universités ont besoin : il existe aujourd’hui, selon le Président de Lyon III, un psychologue pour 1 500 étudiants aux Etats-Unis contre un pour 30 000 en France.

    Nous n'avons plus l'excuse de la surprise. Voici un an que la normalité a basculé. Il est temps de tirer les leçons d'une année d'exception.

    Première leçon. La crise a révélé le secret de Polichinelle de l'inégalité matérielle chez les étudiants, qui rend les parcours d'études bien plus difficiles pour certains. C'est contraire à nos principes politiques les plus fondamentaux. Revoyons nos systèmes de bourses, et inspirons-nous, au moins le temps de la crise, de pays qui, comme le Danemark, ont généralisé les bourses pour l'ensemble des étudiants sans condition de ressources.

    Deuxième leçon. Donnons aux universités une marge d'autonomie pour adapter, avec les collectivités locales et le tissu associatif, les protocoles d'accueil des étudiants à la fois aux conditions de l'épidémie dans le territoire, et aux configurations physiques propres à chaque campus : recrutement de familles volontaires accueillant le temps d'un repas des étudiants ; formation des enseignants à l'enseignement à distance ; équipement de salles en outils numériques ; mise en place d'espaces de convivialité ; mise à disposition d'ordinateurs…

    Troisième leçon. Adaptons nos dispositifs pédagogiques. Les enseignants-chercheurs s'accordent à dire que le test grandeur nature du passage à l'enseignement à distance indique des pistes intéressantes pour l'évolution des pratiques futures. Alors que la transmission des contenus de cours eux-mêmes n'a pas beaucoup souffert du changement de modalité d'enseignement, c'est en revanche l'accompagnement et l'échange entre enseignants et étudiants et entre pairs, qui a le plus manqué. Tirons-en les conséquences : à côté des petits groupes interactifs en présentiel qui devraient encore être développés, animés non seulement par des enseignants mais par les étudiants eux-mêmes, les enseignements dispensés dans des amphis surchargés devraient durablement passer en ligne. Nous sortirons ainsi de la crise par le haut.

    Louis Vogel

    Membre de l’Institut

    Ancien Président de la Conférence des Présidents d’Université

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